Un style esthétique né d’une école d’arts appliqués
Dans une Europe malmenée par 4 années de guerre, quelques artistes reconnus repensent le matériel avec ordre et simplicité. En réaction à l’ornement en vogue depuis la Renaissance, et développée jusqu’à son paroxysme avec des styles tels que le Baroque ou encore l’Art Nouveau, le courant artistique Bauhaus choisit un retour aux sources des arts, comme une seule et même entité, ne distinguant plus l’artiste de l’artisan.
La vision de Walter Gropius
En 1919, Henry Van de Velde, architecte belge de renom, est directeur de l’institut des arts décoratifs et industriels de Weimar qu’il a fondé. Il doit quitter son poste et le cède à Walter Gropius, confrère qu’il respecte. Celui-ci créé alors la Staatliches Bauhaus ou « Maison du bâti de l’État ». Son idéal est clairement exprimé dans le tout nouveau programme d’études du Bauhaus : le but reste la construction mais avec des équipes réunissant architectes, sculpteurs, peintres, artisans de tous secteurs, etc. Refusant l’idée d’une pratique élitiste, revenant à l’essence de l’art qu’est l’artisanat, Gropius s’inspire des compagnonnages médiévaux au sein desquels chaque corps de métier était représenté et avait un rôle défini.
Son ambition séduit et, très vite, des artistes connus sont recrutés pour enseigner aux sein de divers ateliers afin de favoriser le rapprochement entre artistes et artisans. L’initiative comprend également des conférences, des expositions de travaux finis, etc., lesquels donneront naissance aux expo/performances et, à plus long terme, aux salons professionnels.
Tout aussi rapidement, des courants divergents se créent et des critiques résonnent, poussant Gropius dans un mouvement régulier d’ajustement des programmes.
Dès 1922, les adeptes du « constructivisme » et de De Stijl attirent l’attention de Walter Gropius sur les méthodes industrielles de conception. Le créateur du Bauhaus y voit naturellement l’expression de son principe premier : mettre fin à la distinction stricte entre art et industrie, créer des logements et des objets fonctionnels pour le plus grand nombre. L’Allemagne des années 1920 se prête idéalement à cette expérimentation du fait de sa grande détresse économique et politique qui assomme cruellement la masse populaire. On invite même des architectes étrangers tels que l’américain Frank Lloyd Wright et le français Le Corbusier lors d’expositions du Bauhaus.
Le Bauhaus qualifié d’art « dégénéré »
Les difficultés vont se multiplier pour Gropius et les maîtres du Bauhaus. La politique s’en mêle et va progressivement mettre à mal l’enseignement de l’école et son avenir. Les grands principes défendus par Gropius font écho aux mouvements socialistes et communistes qui se répandent en Europe, et ne sont pas bien vus par une monarchie allemande de plus en plus contestée.
En 1924, les autorités de Weimar, secouées par les récentes élections, décident de s’inviter dans la gestion de l’institut. Cela déplaît aux dirigeants de l’école qui préfèrent la fermer l’année suivante pour la délocaliser vers Dessau. La ville est industrielle et manque cruellement de logements. Ce sera le lieu idéal pour mettre en pratique les grandes idées du Bauhaus !
L’institut développe un enseignement tourné vers des créations d’habitat moderne entièrement équipé, jusqu’au plus simple appareil électroménager. La Bauhaus GmbH naît afin que l’établissement devienne rentable. C’est le grand âge de la cité de Dessau-Törten, un ensemble de bâtiments imitant un campus universitaire et présenté comme une vitrine du Bauhaus. On y trouve la manifestation visuelle de son enseignement : des immeubles aux lignes pures et aux façades nues, un mobilier dépourvu de tout ornement superflu mais fabriqué avec les matériaux et les techniques les plus performants du moment. Les objets usuels, chaises, fauteuils de bureau, tables, etc., présentent les caractéristiques de modernité et de réflexion sur leur utilité première.
Les réalisations popularisent l’école et son style mais, lorsque Walter Gropius quitte sa direction pour se consacrer à l’architecture, les choix de ses remplaçants entrent de nouveau en conflit avec la mouvance politique. Les années 1930 allemandes sont celles de l’ascension du national-socialisme. Bien que le Bauhaus mise tout sur une industrie de production de masse et des conceptions en phase avec la demande populaire, le parti Nazi préfère le qualifier de « bolchevisme culturel ». Cette opposition idéologique pousse la Staatliches Bauhaus à fermer définitivement ses portes en 1933, alors même que le gouvernement nouvellement en place qualifie son enseignement de « dégénéré ».